de brochettes ouzbeks qui nous parlent de Zinédine Zidane…
Il y a dans l’air ce sentiment de fraternité et de complicité que
l’on ressent lorsqu’on partage un endroit d’une rare beauté,
un bout du monde difficile à atteindre. Pour déjeuner, pas
question de quitter le lac des yeux. Nous nous arrêtons en
bord de route pour acheter du poisson fumé. L’oumoul est en
effet le poisson roi du Baïkal. Cette truite unique au monde
y abonde et nourrit les populations autochtones depuis des
siècles. Fumé et encore chaud, mangé sur une table de pique-
nique surplombant le lac, il devient un festin de roi.
Sous nos pieds, le lac, qui fait 636 kmdu nord au sud et atteint
1600 m de profondeur, nous fait de l’œil. Il est temps d’em-
barquer pour longer ses berges et filmer l’ancienne voie fer-
rée du Transsibérien, qui suit ses rives. Au début du
xx
e
siècle,
cette portion du Transsibérien avait Port Baïkal pour termi-
nus. De là, des navires se chargeaient alors de convoyer les
wagons du Transsibérien sur l’autre rive du Baïkal, à 60 km.
Ils reprenaient alors leur trajet vers l’est. La voie ferrée fut
par la suite prolongée autour du lac pour éviter la coupure
fluviale. Plusieurs fois détruite par les eaux, cette ligne fut
finalement abandonnée lorsque le Transsibérien fut dévié
en amont, vers l’est du lac. Rebaptisée CircumBaïkal,elle a
cependant repris du service à des fins essentiellement tou-
ristiques, entre Slioudianka et Port Baïkal car elle offre de
superbes panoramas sur les eaux cristallines du lac. On rêve
d’apercevoir un nerpa, cet adorable phoque endémique du
grand lac…
De retour sur le chemin de fer, le Baïkal fera encore quelques
apparitions, entre Irkoutsk et Oulan-Oude, à travers les vitres
du Transsibérien en direction de la Mongolie. En été, les
arbres cachent en partie le paysage, mais une bonne par-
tie des voyageurs passent cependant quelques heures le nez
collé à la vitre pour emporter avec eux les dernières images
de ce lac mythique.
Lorsque le Transsibérien mongol quitte Oulan-Oude, la capi-
tale bouriate, le paysage change rapidement. La taïga, cette
grande forêt de mélèzes, de pins sylvestres, de trembles et de
quelques bouleaux en lisière, cède la place aux pâturages et
à des collines de plus en plus dénudées qui annoncent déjà
les steppes mongoles. À ma plus grande joie, dans le train
chinois n° 4, les fenêtres s’abaissent encore. Fascinés par
la lumière orange de fin de journée, les passagers hument
l’air du soir, photographient ces hameaux entourés de pe-
tites clôtures et guettent l’apparition des premières yourtes.
Les chevaux sauvages galopent le long des rails et notre
Transsibérien a déjà entamé sa mue. Désormais, il faudra
l’appeler Transmongolien.
Au petit matin, le train traverse lentement les “quartiers de
yourtes” d’Oulan-Bator, la capitale mongole. Témoins de
l’afflux massif de populations nomades dans une capitale
qu’on appelait autrefois la “ville de feutre”, ils montrent aussi
l’attachement des nomades à leur mode de vie, même en ville.
Pourtant, à quatre années d’intervalle, je note des change-
ments majeurs dans la capitale. Nombre de routes et trottoirs
ont été rénovés, les quelques tours de verre du centre-ville
ont été achevées et les Mongols affichent une décontrac-
tion et une élégance qui rappellent les grandes villes russes.
Tailleurs impeccables, coiffures, accessoires de luxe : les
femmes mongoles rivalisent désormais avec leurs voisines
AU PAYS
DES BOURIATES
Il suffit de faire quelques
pas à Irkoutsk pour croiser
des Bouriates, ces citoyens
russes appartenant à un
peuplemongol installé tout
autour du Baïkal. Proche
des Mongols, ils partagent
une partie des croyances
religieuses de leurs voi-
sins, mais ont gardé bien
des traits distincts, dont
leur langue. Bouddhistes
ou chamanistes, les
Bouriates sont près de
400 000 répartis entre
la République de Bouria-
tie et le district autonome
bouriate. Leurs datsan,
des temples bouddhiques,
sont repérables un peu
partout dans le paysage.
Fiers de leur langue et de
leur culture, les Bouriates
entretiennent un lien étroit
avec la nature.
Ils sont particulièrement
nombreux à Oulan-Oude,
leur capitale, mais aussi
dans les environs d’Ir-
koutsk. Au bord des routes,
dans de petites gargotes,
on peut goûter à certaines
de leurs spécialités, dont
les pozy, de gros ravio-
lis à la viande de mouton.
Une astuce : avant de les
croquer, il faut percer le
ravioli pour en boire le jus
afin de pouvoir poursuivre
la dégustation sans para-
pluie.