Salaün
Magazine
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Ici, c’est Sarajevo ! Chez nous, c’est devenu une expression, le symbole
d’un désordre insurmontable, d’une vie sans lendemain dans une ville
qui n’avait laissé son nom dans l’histoire que pour avoir été le théâtre
d’un attentat qui mit le feu à l’Europe et donna le signal à une guerre
dont on n’imaginait pas la dureté ; et dont on ne savait surtout pas
qu’elle engendrerait, au bout du compte, une autre plus terrible encore.
Et pour les habitants des Balkans, une troisième…
De 1991 à 1995, la Bosnie a été broyée par son allié d’un jour – la Croa-
tie – et son ennemi du lendemain – la Serbie. Et Sarajevo, sa capitale,
fut prise en otage et vécut un siège de 1500 jours qui affama et terrorisa
la population. Nous avons tous en mémoire ces images de gens traver-
sant en courant la grande avenue de Sarajevo et s’écroulant, victimes
de tirs de snipers ; les images d’une ville s’effondrant sous les bombar-
dements d’un ennemi planqué sur les montagnes autrefois rassurantes.
Aujourd’hui, on a rangé les fusils et c’est en avion ou en autocar que
l’on découvre Sarajevo ! C’est une ville magnifique ! Vous saviez, vous,
qu’il y avait un vieux quartier musulman à Sarajevo ? Avec des ruelles,
des boutiques de bric et de broc, où l’on peut acheter un obus ciselé ou
un bracelet qui vous conduira au paradis sans faire la file d’attente, des
restaurants où la bière coule à flot et d’autres où le coca light accompa-
gnera vos ceprevici cachés dans un pain creux ? Où la mosquée joue à tu
et à toi avec le couvent des Franciscains et un temple juif ? Et à l’entrée
de ce petit quartier rescapé de toutes les guerres, il y a la Bibliothèque
nationale que l’on reconstruit. Sous les bombes serbes, des dizaines de
milliers de livres irremplaçables ont brulé. Mais ce n’est pas ainsi que
l’on détruit une culture. Et encore moins un peuple qui s’est construit
aux frontières de l’Orient et de l’Occident.
Notre journée en Bosnie Herzégovine s’est poursuivie par une visite
de Mostar, au terme d’une route d’une beauté à couper le souffle. Elle
longe, au creux de montagnes dont les sommets sont encore enneigés,
la rivière Nevedva, domestiquée par quatre barrages, qui sépare en
deux la ville de Mostar.
Depuis des siècles, les habitants avaient œuvré pour gommer cette
frontière naturelle en construisant des ponts, véritables merveilles
d’équilibrisme, tous témoins du talent des différentes puissances qui
ont dominé cette ville, depuis les Ottomans, jusqu’aux Français de Na-
poléon avant les Austro-Hongrois. Le plus ancien a été détruit par les
Croates en 1993, sous le regard des caméras du monde entier. Pendant
trois années, la ville se livra une guerre intestine que l’on a de la peine à
imaginer. Le Croate était un jour un allié, le lendemain un ennemi intrai-
table ; le Serbe de même. Un simple boulevard, au cœur de la ville, était
devenu une ligne de front et de partition que fuyaient les habitants, ter-
rorisés par les tirs des snipers. Des immeubles prestigieux sont encore
aujourd’hui à l’état de ruines. De ces trois années de guerre, Mostar a
du mal à se relever. Même si la communauté internationale et l’Unesco
en ont fait une priorité. Car la ville de Mostar est une perle. Une pure
merveille qui croit en son avenir, même si dans cette guerre insensée,
elle a perdu toutes ses industries et que le chômage y dépasse les 40%.
« Les jeunes veulent tourner la page », assure Dakor, notre guide. « Ils en
ont marre des histoires de leurs pères, entre Catholiques, Musulmans
ou Orthodoxes. Serbes, Croates, Bosniaques, ils s’en fichent. Ils veulent
du travail. Tu te rends compte que dans cette petite ville, il y a un hôpital
musulman et un hôpital catholique  ! Quand tu es malade, c’est pas ta
religion qui te sauve ! »
Extrait du carnet de route >>>>> >>>>> >>>>> >>>>> 10 mai. Bosnie-Croatie, Sarajevo-Dubrovnik
«QUAND TU ES MALADE, C’EST PAS TA
RELIGION QUI TE SAUVE »
Si Mostar porte encore
quelques stigmates du
conflit, elle a retrouvé
son charme et son statut
de première destination
touristique de Bosnie.
Le vieux centre
de Sarajevo,
une porte vers l’Orient,
au cœur de l’Europe.
Le grand hôtel de Mostar,
en attente de rénovation.
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