mètres du centre ville. Au fil des kilomètres, le
paysage se fait plus morne. On rentre dans la
plaine. Ses immenses champs, ses zones indus-
trielles, ses grandes usines. Le choc est brutal.
Même s’il est atténué par le spectacle des petits
marchands qui montent boutiques au bord de la
route pour vendre fruits et légumes, miel et
alcool.
Quelques chevaux attelés survivent encore dans
le flot de la circulation de plus en plus intense.
Mais ils sont, à l’approche de la grande ville, nos
derniers adieux à une région dans laquelle nous
avons vécu pendant trois jours. Et, sans doute,
les derniers témoins d’une Roumanie embar-
quée dans l’aventure de l’Europe.
Il fait nuit quand nous arrivons à Bucarest.
Sur la place de la Liberté, on ne peut que penser
aux souffrances endurées par le peuple roumain
pour qu’un dictateur fou puisse construire, au
cœur d’une ville d’Histoire, ce palais mons-
trueux, glacial, effrayant…
Ce cœur survit encore dans les vieux quartiers de
la ville. Les restaurants débordent sur la rue, les
femmes s’y promènent comme dans un défilé de
mode. Il est déjà près de 22 heures, mais des
ouvriers travaillent encore. Bucarest se recons-
truit et redeviendra lumineuse.
Le Grand Raid Brest Samarcande
Le palais du Parlement, à Bucarest.
Salaün Magazine
l
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Bucarest Tulcea
Avant de rejoindre le delta du Danube, il nous
faut parcourir un peu plus de 200 kilomètres à
travers une plaine qui semble bien terne après
deux journées passées dans les Carpates et la
Transylvanie.
Et c’est avec un vrai bonheur que nous
retrouvons, à Tulcea, le Danube. Comme un vieil
ami quitté la veille.
Mais ici, le seigneur s’offre des fantaisies,
s’éclate après les 3000 kilomètres qu’il a
descendus, coincé entre deux rives. La mer est
proche. Et sa fin aussi.
Le delta du Danube est une biosphère protégée
et fragile, qui se remet doucement de quelques
mauvais traitements passés.
Le bateau sur lequel nous avons embarqué pour
mieux l'approcher a le charme de l’Africa Queen
d’Humphrey Bogart et de Katharine Hepburn.
Et son capitaine, Marian, peut parcourir les yeux
fermés ce dédale de canaux et de minuscules
bras secondaires.
L’idée était de remonter jusqu’à un lac dont les
oiseaux, aigrettes et hérons, ont fait leur
villégiature. Mais le talent de Marian n’y pourra
rien : en cette fin d’été de sécheresse, le Danube
tire la langue. Sa cote a baissé de près de deux
mètres et le lac espéré est inaccessible.
Dans les méandres du delta du Danube.
Le bateau-ambulance
du delta
Héron cendré