dossier
spécial
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afrique
Salaün
Magazine
| Page 41
a première expérience africaine du voyageur occidental est
souvent celle de la chaleur, généralement heureuse quand
elle est sèche et parfois douloureuse quand lamoiteur se
fait étouffante. On est ravi de remporter l’épreuve à la force
des baignades, le long de longues plages blanches à l’ombre
des palmiers, et à l’assaut des bars où règnent les bières
légendaires Castel et autres Flag et les fruits que seuls les
tropiques connaissent, mais aussi ce que lamondialisation
offre demeilleur sur le front de la distillation. La chaleur
humaine, elle, ne varie guère : l’ami venu d’ailleurs est toujours
accueilli avec bienveillance et sourire. L’Afrique souffre souvent,
mais elle rit beaucoup, et vous invitera à en faire autant, sur le
mode antistress : vous avez l’heure, mais ici on a le temps…
L’opulence anarchique et joyeuse de quelques villes
tentaculaires, riches et modernes comme Lomé, Abidjan ou
Dakar, ou bien aveuglées de poussière comme Bamako et
Ouagadougou, laissera des souvenirs de couleurs, de nuits de
bière et demusique et de danse. Les enfants jouent au ballon
dans les rues, une boule de chiffon ou une boîte de conserve au
bout des pieds. La fête ne prend jamais congé dans les boîtes
et maquis, les bars locaux qui s’animent la nuit. Mais c’est en
prenant la route entre les champs demil et les plantations de
coton que l’on trouvera des paysages au goût d’authentique,
là où l’homme se fond dans le décor depuis desmillénaires,
une Afrique sincère prise encore dans sa gangue de terre.
On ne va plus randonner sous les pluies d’étoiles dans les
collines arides du Sahara qui réunit l’Algérie et leMali, là où
se jouent toutes sortes de guerre dont les échos gagnent
lemonde, là où des otages sombrent dans l’oubli. Cette
Afrique-là, victime de la folie des hommes, existe aussi, et le
Mali, qui bénéficie d’un patrimoine extraordinaire, en paye
le prix fort : le tourisme y a disparu…Mais il est toujours une
autre Afrique, paisible et accueillante, à l’écart des guerres de
religion. Desmilliers d’ethnies et autant de langues composent
unemosaïque d’usages, demythes et de croyances qui
transcendent les religions. Ici l’islamdomine, ailleurs c’est
le christianisme, et partout l’animisme est présent dans un
métissage spirituel. Les esprits sont partout, ceux de la nature
et ceux des anciens. Les vivants et lesmorts se partagent
lemonde. Et c’est là que le vaudou prend sa source avant
d’animer la Caraïbe. Les danses et lesmasques et les fétiches
Le ciel est multiple, chargé d’ombres et de lumières, marbré de
nuages et d’eaux furieuses. Les fleuves s’en nourrissent pour
percer le désert. Les forêts s’y noient. C’est toujours étrange.
Le voyage en Afrique noire de l’Ouest, au sud du Sahara, a
quelque chose d’initiatique. C’est là en effet que l’homme est
apparu, qu’il s’est mis debout pour aller conquérir le monde.
C’est là, dans les sables et la rocaille, que les gènes de la race
humaine s’enracinent. C’est là l’origine de l’histoire de toutes
les histoires du monde… C’est inscrit dans la mémoire des
baobabs, arbres sacrés, vénérables centenaires de la savane..
YVES AUBERT
L
l a
m é m o i r e
DES BAOBABS