dossier
spécial
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afrique
Salaün
Magazine
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rythment l’existence et sont au-delà. Les cérémonies ne
sont pas des spectacles : on se laisse aller à l’envoûtement
magique quand les tambours appellent les esprits qui vous
emmèneront dans votre propre ailleurs… Laissez-vous rêver.
Reprenons le chemin sur la bande de goudron qui déchire la
terre rouge, cette latérite qui donne sa couleur au ciel quand le
jour s’abîme à l’horizon. La route réserve des surprises, quand
par exemple un troupeau d’éléphants traverse sans crier gare…
Moment magique d’un instant sauvage. En pirogue, sur l’un des
fleuvesmajestueux comme le Niger ou le Sénégal, c’est parfois
un hippopotame qui offre son regard placide. On est loin du zoo,
mais face à la beauté naturelle dumonde. Filer sur l’eau à la
rame ou à la godille quand le soir s’annonce, voilà qui constitue
sans aucun doute l’une des plus belles invitations à la rêverie…
Au retour, une étape aumarché offre un bain de rires et
de couleurs, des voix sonores et des odeurs de fruits, des
senteurs de poisson séché près des fours où rôtissent
chèvres et moutons. Mais lemeilleur qui flatte le palais, c’est
le fameux poulet bicyclette, le poulet local sans guère de chair
mais d’une grande saveur goûteuse. Pourquoi bicyclette ?
On entend deux explications : il arrive au restaurant sur le
porte-bagages d’un vélo ou bien il gambade dans la cour
avec lesmouvements de jambes d’un cycliste, dont il a la
cuisse fine et dure. Dans tous les cas, c’est excellent.
La route file de village en village. L’art n’y est pas rare, comme
à Tiébélé, un village aux confins du Burkina-Faso et du Ghana.
Nous sommes en 1 600 autour des tombes royales. Les vivants
et lesmorts encore sont là à se partager l’espace. Sur lesmurs,
lézard, serpent, crocodile et maints autres esprits se lisent dans
les signes simples qui disent l’infinie complexité des pensées.
Sur lesmurs des cases, la géométrie des symboles racontemille
histoires : les femmes entretiennent leur mémoire en enduisant
lesmurs d’unmélange de boue et de bouse. Une dose de
graphite permet de tracer des lignes noires, le kaolin permet lui
le blanc : la pratique collective se fait sous l’œil d’une princesse
âgée aumilieu d’une cour d’enfants rieurs. Nous sommes avant
la saison des pluies : les femmes en profitent pour perpétuer
Les grands fleuves, les animaux sauvages, le marché qui rythme
ies vies locales et puis le village royal de Tiébélé don Omént
les murs sont peints par les femmes depuis l’an 1600.