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Salaün

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Impossible de poser son regard

sur les rochers au seuil de la

“porte sans retour” sans etre

saisi d’émotion...

la tradition du ravalement desmaisons. Un descendant

princier de l’empire du Ghana est là pour guider le voyageur : il

a quitté son champ pour accueillir le passant, qui dira ailleurs

dans lemonde qu’il y a ici un village qui s’appelle Tiébélé.

Le cœur de la brousse propose demultiples étapes de ce genre

à l’ombre de grands arbres, les géants caïlcédrats et balanzan.

Et millemonuments font mentir les préjugés : l’Afrique, qui a

connu et d’immenses fastueux empires, n’est pas en panne de

l’histoire…Nous en avons d’ailleurs une part grise en commun,

celle de l’esclavage et de la colonisation… C’est un héritage

commun qui dépasse les infrastructures, routes et lignes de

chemin de fer, qui dépasse les organisations administratives

au sein des frontières d’aujourd’hui. Au large des polémiques

et des interprétations, la domination du nord sur le sud

appartient à l’histoire. Et maintes traces en font témoignage.

LaMaison des esclaves de l’île de Gorée, au large de Dakar,

est connue dumonde entier. Gorée est d’ailleurs l’un des

premiers sites de la Liste du patrimoinemondial de l’humanité.

Impossible de poser son regard sur les rochers au seuil de

la “porte sans retour” sans être saisi d’émotion. Cette porte,

c’était l’adieu à la terre de ses ancêtres. Chaque jour, des

visiteurs, notamment afro-américains et latinos, y viennent

en pèlerinage. D’autres lieux de sinistremémoire accueillent

le voyageur. LaMaison des esclaves d’Agbodrafo, près de

Lomé, aux abords du lac Togo, a tourné à plein régime du

XVII

e

siècle à la fin du XIX

e

 siècle. C’est un lieu d’horreur encore

dans son jus. Le plancher de la jolie salle àmanger dumaître

s’ouvre avec une trappe : les captifs s’entassaient là pour

s’habituer aux conditions terribles d’un voyage à fond de

cale. Plus loin, sur la côte du Congo-Brazzaville, c’est Loango,

au sud de Pointe-Noire, qui sombre dans l’oubli des hautes

herbes : l’emplacement de ce port négrier est marqué par

troismanguiers, mais seule une stèle en ruine témoigne

du drame. De lieu en lieu, dans le silence de sa conscience,

chacun prend lamesure de l’atroce traite négrière qui hantera

les esprits pour longtemps. Partir en voyage, c’est aussi

pour en revenir différent, enrichi de ses étonnements.

En haut : la salle à manger du maître négrier d’Agbodrafo :

les captifs étaient entassés sous le plancher...

En bas : le monument de Gorée: les esclaves ont brisé leurs chaînes.