Salaün
Magazine
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reportages
d
’
ici
et
d
’
ailleurs
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cuba
de moyens de communication pour les échanges, Trinidad
a longtemps vécu sur elle-même, se reconstruisant au gré
des luttes et aléas... pour aujourd’hui nous offrir un visage
préservé et enchanteur.
Le mieux est de se laisser guider selon son inspiration au
départ de l’église de la Santisima Trinidad sur la Plaza Mayor,
le centre historique de la ville. Quelle que soit la rue que vous
emprunterez, les façades colorées d’orange, jaune ou rouge,
avec leurs longues grilles de fer forgé aux fenêtres, donnent
toute sa luminosité à Trinidad. Les plus belles maisons des
anciens planteurs et sucriers sont restaurées pour abriter,
parfois un commerce, un restaurant, et souvent un musée.
À l’angle de la Calle Desengano et du Callejon de la Pena, im-
possible de manquer le Palacio Cantero. L’ancienne demeure,
musée municipal depuis 1980, donne à voir un intérieur ty-
pique, dans ses meubles et sa décoration, de la bourgeoisie
sucrière du
xix
e
siècle, friande de références à l’Europe pour
se différencier des autochtones. Mais c’est vers sa tour carrée
que l’on se précipite pour, au terme d’escaliers, jouir de la
plus belle vue sur toute la ville et ses horizons de montagnes,
de champs et de la mer scintillante sous le soleil ardent. De
retour sur le plancher des vaches, ou plutôt des chevaux ici,
direction la poterie de la famille Santander. Le travail de l’ar-
gile fait partie de l’histoire de la ville, et dans cet atelier, le
plus réputé, un des potiers vous offrira à coup sûr une de ces
petites breloques qui, en rang sur fil, tintent au gré du vent
ou à l’ouverture d’une porte. Il pose un doigt sur la bouche en
signe de silence pour ce cadeau comme si vous étiez un visi-
teur privilégié, avec l’espoir que quelques pesos viendront
en retour tout aussi discrètement. L’ambiance terreuse nous
a donné soif. Pas d’hésitation, le café
La Canchanchara
nous
attend pour déguster le cocktail du même nom, un mélange
doux-amer, servi dans une chope en terre, d’eau-de-vie, miel,
citron, eau et une herbe secrète au son d’un orchestre de sal-
sa... au moins le 8
e
que nous croisons depuis notre arrivée. Et
nous en rencontrerons d’autres au long de cette balade toute
de splendeurs à travers les ruelles et places où des passants
s’improvisent danseurs à l’occasion. Maintenant, pour faire
couleur locale, une pause cigare s’impose avant de rejoindre
la voiture, auprès de laquelle nous attend Manuel. Ce soir, il
nous amène à 6 kilomètres de là, dans un restaurant familial
perdu dans un hameau, pour y déguster une belle langouste
sur barbecue. Bonne impression dès le seuil franchi : il y a
là essentiellement des Cubains, signe d’une adresse vraie. Et
quand Paquito prendra sa guitare pour entonner les chan-
sons incontournables de l’île avec sa chaude voix érayée au
Bacardi depuis presque 83 ans, son âge, comment ne pas
reprendre en chœur avec les autres convives ?
Quelques tomates, haricots, oignons, de la bière ou du rhum... et un point de
vente,
punto de venta
, mieux garni que les magasins d’État, s’improvise au coin
d’une rue par une fenêtre créée dans le mur de la maison.