Salaün
Magazine
| 
Page 61
lendemain. Le ventilateur, c’est pour ne
pas mourir de chaud la nuit ».
Plus modeste en taille que la Havane, le
cœur de Santiago se décline autour du
parc Cespedes, le lieu de toutes les ren-
contres, de tous les échanges, de toutes
les musiques. Ah, la musique ! Ici, elle
transpire à chaque coin de rue, elle est
inscrite dans l’ADN de la ville et ça n’est
pas cette flânerie du dimanche après midi
qui nous contredira. Nous nous engageons
dans la rue Heredia, qui s’échappe de la
place au coin de l’hôtel Casa Granda,
l’ex rendez-vous d’espions évoqué par
Graham Greene dans son livre
Notre agent
à la Havane
, jusqu’à la Casa de la Trova.
Dans la petite salle couverte de photos des
musiciens qui ont fait l’histoire musicale
de la ville, le petit orchestre est à son
poste, devant un public d’une vingtaine
de personnes, parmi lesquels seulement
deux ou trois étrangers. Jeunes ou moins
jeunes, ils écoutent la chanteuse, le regard
nostalgique et dès que rythme s’anime,
n’hésitent pas à se lever et à onduler, avec
le même naturel que s’il s’agissait d’une
simple respiration. Ce soir, les choses
seront plus sérieuses et c’est dans la grande
salle du premier étage qu’un autre groupe
mettra le feu jusqu’à une heure avancée
de la nuit. Mais en attendant, le jeune
rasta qui s’est autoproclamé portier de
la maison nous conseille d’aller faire un
tour dans un autre quartier, du côté de la
Casa del Caribe
. Et c’est reparti pour un
tour, cette fois ci en plein air. Près de deux
cents personnes se sont rassemblées dans
le jardin d’une jolie maison, autour d’un
orchestre. Ici aussi, on vient en famille,
on boit de la bière, du rhum, on refait le
monde, et on danse pendant des heures.
Le lendemain matin, quand nous allons
visiter le Castillo del Morro, une belle
forteresse du
xvii
e
siècle destinée à pro-
téger Santiago de l’attaque des pirates,
c’est encore au son d’un orchestre que
nous sommes accueillis. Ce 15 janvier
est une date particulière. La loi qui per-
mettra aux Cubains d’avoir un passeport
et de voyager vient d’être promulguée,
ainsi que celle qui leur permet de res-
ter deux ans à l’étranger sans perdre
leurs droits à la santé et à l’éducation.
Ernesto, le contrebassiste, me glisse à
l’oreille : « C’est bien, le passeport… mais
avec quel argent on va voyager ? » De-
puis la révolution de 1959, l’exil est in-
tégré dans l’imaginaire des Cubains. Les
premiers sont partis par crainte de voir
leurs biens confisqués, ou de subir les
conséquences d’une trop grande proxi-
A SANTIAGO,ON PREND
LE TEMPS DE VIVRE
La casa del Caribe, où l’on vient en famille le
dimanche écouter les groupes à la mode.
1...,51,52,53,54,55,56,57,58,59,60 62,63,64,65,66,67,68,69,70,71,...100