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d
’
ici
et
ailleurs
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irlande
A
Salaün
Magazine
| Page 86
vec ses paysages grandioses, ses multiples monuments et
forte personnalité, le Kerry apparaît comme la quintessence
de l’âme irlandaise. Situé à l’extrême-ouest du continent eu-
ropéen, baigné par le Gulf Stream et balayé par les tempêtes
d’Atlantique, ce comté a développé une identité très forte. On
dit de ses habitants qu’ils sont volontiers frondeurs et eux-
mêmes parlent du “
kingdom
”, du royaume de Kerry, pour
souligner leur indépendance par rapport à Londres autrefois
et à Dublin aujourd’hui. Le Kerry est en effet une terre de
rebelles qui ont donné bien du fil à retordre aux Britanniques
lors de la guerre d’indépendance entre 1916 et 1921.
Le caractère des Kerrymen leur vaut aussi d’être genti-
ment moqués par les autres Irlandais, qui leur envient un
peu, avouons-le, la beauté des paysages, la douceur du cli-
mat et cette forte identité gaélique, toujours bien présente.
Autant d’ingrédients qui ont valu au Kerry d’être à l’origine
du tourisme en Irlande et de constituer aujourd’hui l’une des
principales destinations des visiteurs étrangers dans les îles
britanniques.
hôtes de marque
La mode pour le Kerry remonte au
xix
e
siècle, lorsque le comté
reçut la visite prestigieuse de la reine Victoria en 1861. Le
séjour royal de quelques jours avait été préparé pas moins de
six ans avant, la souveraine – et sa suite de cent personnes –
devant séjourner au domaine de Muckross, à Killarney. Ses
propriétaires, les Herbert, se lancèrent dans une série de tra-
vaux somptueux, tant dans la demeure que dans le parc, pour
l’accueillir dignement pendant deux jours. Cette dernière
devait, à l’occasion, les anoblir. Manque de chance, pendant
son séjour, la reine fut prise d’une crise de mélancolie liée
à la mort de son époux. Elle oublia d’anoblir les Herbert et,
surtout, de leur rembourser les frais occasionnés par sa visite.
Ils sont demeurés roturiers, ont été ruinés… et ont dû vendre
leur domaine.
Par la suite, ce magnifique domaine a été racheté par la fa-
mille Guiness, qui en a fait don à l’État irlandais en 1932, lui
permettant de créer son premier parc naturel avec des kilo-
mètres de landes, de forêts et de magnifiques jardins. La reine
Victoria a également laissé son empreinte à Ladies View, l’un
des plus fameux points de vue d’Irlande, donnant sur les trois
lacs de Killarney et baptisé ainsi en souvenir d’une halte de
ses dames de compagnie.
Si la reine Victoria n’a passé que deux jours dans le Kerry, le
roi des comiques modernes en a fait l’un de ses lieux de vil-
légiature favori. Waterville conserve en effet le souvenir de
Charlie Chaplin, immense acteur du
xx
e
siècle, qui venait s’y
ressourcer régulièrement. Sa maison, isolée près d’une crique,
appartient toujours à ses descendants et sa statue trône fière-
ment sur le front de mer à côté de celle des héros du football
gaélique, sport typiquement irlandais dans lequel le Kerry
brille régulièrement. Chaque année, Waterville accueille un
festival de cinéma en hommage à l’éternel Charlot.
En regardant une carte, le Kerry ressemble à une sorte de
main dont les doigts seraient des péninsules s’enfonçant
dans l’Atlantique. Le tour de ces péninsules constitue l’une
De gauche à droite :
Daniel O’Connell, surnommé le Libérateur de
l’Irlande, lutta de manière non violente contre
les discriminations infligées aux catholiques.
Originaire du Kerry, il fut élu maire de Dublin.
L’eau est omniprésente dans le Kerry, qui
possède aussi les plus hauts sommets d’Irlande.
Dans le Kerry, saint Brendan, qui aurait navigué
jusqu’en Amérique au
vi
e
siècle,
est aussi vénéré que Saint Patrick.
Muckross House à Killarney.