Il est là, seul avec son chien au milieu de la nuit,
à deux kilomètres de sa ferme. Ivan nous attend.
Encore un dernier effort, une dernière galère
dans une neige trop abondante et nous retrou-
vons la douce chaleur de la maison où s’active
Zoïa, son épouse, le regard pétillant de bonheur.
La table est déjà couverte de mets. Les quelques
provisions que nous apportons viennent la com-
pléter.
Pour moi, ce sont des retrouvailles. En septem-
bre 2011, le raid Brest-Samarcande avait déjà
fait étape sur cette petite île de la Volga, près
du village de Balhouni.
L’arrivée jusqu’à la ferme d’Ivan avait déjà été
assez laborieuse. Mais en hiver, c’est un tout
autre chantier qui s’ouvre à nous. La neige est si
épaisse que les voitures peinent à y ouvrir une
piste. En revanche, le petit affluent de la Volga,
l’Athuba, est franchi sans encombres. La glace
qui a mis au chômage technique le bac antédi-
luvien de Sacha est largement assez solide pour
supporter nos poids.
On peut être fiers de nous. Entre deux verres de
vodka bien mérités, Ivan nous apprend qu’en
vingt ans, il n’a jamais connu un hiver aussi
rude. Pendant plusieurs jours, le thermomètre
est passé sous la barre des – 30° et la neige est
tombée avec une abondance inhabituelle. Voilà
plus de quatre semaines que lui et Zoïa sont
totalement coupés du monde, calfeutrés dans
leur maison, avec pour seule compagnie un petit
poste de télévision. Dehors, les chevaux, vaches
et moutons se débrouillent comme ils peuvent
en attendant le printemps. Ivan ne sait même
pas où ils sont.
Le lendemain, il nous faudra pas moins de deux
heures pour regagner le village et la route d’As-
trakhan où nous faisons étape ce soir, laissant
Ivan et Zoïa à leur paisible isolement. Et à leur
bonheur simple.
La vodka d’Ivan se mérite…
Le Grand Raid Volga
Salaün Magazine
l
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Traversée du delta de la Volga
Au même endroit, le bac pour accéder chez Ivan,
en été et en hiver.