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iran
Salaün
Magazine
| Page 62
femmes. Elles nous expliquent que ça leur fait plaisir de poser
avec des Occidentaux, qui plus est des Français, et qu’elles
seront fières de montrer cette photo à leurs amis.
La mère a à peine le temps d’appuyer sur le déclencheur de
l’appareil que quatre femmes, drapées de la tête au pied dans
un voile noir, fondent sur notre groupe comme un vol de
corbeaux et s’en prennent à nos deux nouvelles amies, les
menaçant d’amendes et de prison pour leur comportement
indigne. Ces femmes, dont la silhouette et la démarche rap-
pellent effectivement un corbeau, font partie d’une police
spécialement chargée de la surveillance des femmes. Une
sorte de police des mœurs fanatique, redoutable et redoutée.
Nous tentons de nous interposer, mais notre guide nous en
dissuade expressément, nous expliquant que ce sont en dé-
finitive les jeunes Iraniennes qui auraient à pâtir de notre
ingérence.
Quelques minutes plus tard, dans un endroit discret du jardin,
notre admiratrice nous retrouve pour nous remercier d’avoir
accepté cette photo. “Mais nous vous avons causé des en-
nuis ?” nous excusons-nous. Pour toute réponse, elle éclata
de rire et fit un geste désinvolte, comme pour chasser ces
corbeaux indésirables.
le
jeu du foulard
Alors qu’il devrait être, par le caractère obligatoire de son
port dans tous les lieux publics, le symbole de cette soumis-
sion des femmes, le foulard – l’hijab – est en train de devenir
le symbole de cette révolution tranquille et pacifique menée
par les femmes.
D’une pièce vestimentaire au caractère austère et volontai-
rement dénué d’élégance, la femme iranienne est en train de
faire un atour élégant et de plus en plus effronté. Au fil du
temps, il prend des couleurs de plus en vives, sa taille se ré-
duit et la manière de le porter est de plus en plus fantaisiste et
minimaliste. Dans les quartiers branchés des grandes villes,
il en arrive à couvrir à peine le chignon de jeunes filles qui
déambulent en jeans moulants et tee-shirts trop courts. La
conjonctivite va devenir une maladie professionnelle chez
les corbeaux de la police des mœurs.
On sent bien en tout cas que l’évolution de la société ira-
nienne, qui semble inéluctable même s’il convient de rester
circonspect dans un pays où l’histoire montre que rien n’est
simple, passera par les femmes.
Elles constituent aujourd’hui la majorité des étudiants dans
les universités, sont intellectuellement brillantes, partent
à l’étranger étudier ou travailler à des niveaux élevés dans
des entreprises de pointe. Elles sont l’avenir de l’Iran. Les
hommes devront bien s’en persuader un jour.
Elles participent en tout cas au charme de l’Iran, par leur
beauté, par leur intelligence, par la franchise et la profondeur
de leur regard.
La petite fille sera-t-elle obligée un jour de troquer ses vêtements colorés et joyeux contre la tenue noire
de sa grand-mère ? Difficile à imaginer aujourd’hui au regard de l’évolution qui se dessine.