C
’est parfois au son des cuivres d’un orchestre de jazz que sont
accueillis les voyageurs qui se posent à l’aéroport de La Nou-
velle-Orléans. À défaut, une bonne partie de l’année, c’est
dans la rue qu’ils assisteront à une procession. Le soir de mon
arrivée, un étrange cortège composé de musiciens et dan-
seurs, dont certains en kilts écossais, est passé sous mes fe-
nêtres vers minuit. Scène étrange pour le visiteur mais on ne
peut plus familière pour La Nouvelle-Orléans. Tout au long
de l’année, des clubs ou groupes d’amis déambulent dans les
rues de la ville, au son unique et syncopé du tuba, du trom-
bone ou des trompettes qui mènent les danseurs et ceux qui
rejoignent spontanément le cortège.
C’est le plus souvent par le Vieux Carré – qu’on désigne aussi
comme le French Quarter –, le cœur historique de la ville,
qu’on aborde La Nouvelle-Orléans. Situé au bord du Missis-
sippi, dont il est protégé par une levée, ce quartier en da-
mier est le cœur festif et touristique de la ville. Très agréable
à visiter à pied, il donne son âme et son image à La Nou-
velle-Orléans. En dépit de son nom lié à ses origines, sur le
plan architectural, il est un mélange d’influences architec-
turales plutôt espagnoles et d’éléments communs à l’archi-
tecture coloniale des Caraïbes. Peu élevées, les bâtisses du
French Quarter sont très colorées, souvent dotées de balcons
de fer forgé et de cours intérieures ombragées et équipées de
fontaines. Il ne reste que de très rares exemples de maisons
de l’époque française, la plupart ayant été détruites pas les
multiples incendies qui ont affecté la ville. La plus connue
est la forge de Jean Lafitte, un pirate, contrebandier et même
espion qui a marqué l’histoire de la Louisiane entre la fin du
xviii
e
et le début du
xix
e
. Cette maison, qui est aujourd’hui un
bar chaleureux, abritait certaines de ses activités. Sa filiation
avec l’architecture des maisons traditionnelles, notamment
de l’ouest de la France, est évidente.
Le quartier rayonne à partir de deux pôles : Jackson Square,
où se trouve la cathédrale Saint-Louis, à deux pas des berges
du Mississippi, ainsi que la fameuse Bourbon Street, qui
s’anime dans l’après-midi jusque tard dans la nuit. Au pre-
mier abord, tout le spectacle se passe en extérieur. Exces-
sive, bruyante, dévergondée, Bourbon Street ne ressemble
à aucune autre rue des États-Unis. Des danseuses plus ou
moins nues émoustillent les passants du haut de balcons en
fer forgé, des clubs X ont pignon sur rue et des dizaines de
musiciens, mimes ou artistes contribuent à l’ambiance bouil-
lonnante de cette rue. Bourbon Street est un choc d’images,
de cultures, de sons et d’odeurs qui peuvent dérouter. Il ne
faut donc pas hésiter à pousser les portes de dizaines de bars,
biergärten
, pubs ou restaurants pour comprendre l’attrait de
Bourbon Street. On y entend d’excellents musiciens, de jazz
bien sûr, mais aussi de ragtime, cajun, zydeco ou rock. Il n’est
pas rare de voir un tromboniste ou un joueur de contrebasse
traverser la rue en courant pour passer d’un concert à un
autre. Ses excès, son ambiance interlope, qui donne l’impres-
sion que tout y est permis, mais aussi l’ambiance bon enfant
qui y règne malgré tout rendent une visite à Bourbon Street
incontournable. Les habitants d’une ville qu’on surnomme
après tout “The Big Easy” pour son rythme de vie tranquille et
sa nonchalance, ne la renient pas, même si, pour la musique,
ils lui préfèrent d’autres rues plus authentiques, comme
La cathédrale Saint-Louis et le Jackson Square, vue depuis la “levée” qui protège la ville des crues du Mississippi.
Salaün
Magazine
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