Salaün
Magazine
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actu
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iran
le pays à un désir d’autonomie et de renouveau de son empire.
La volonté du dernier chah d’intervenir dans les conflits de ses
voisins a été combattue par les royautés arabes, tandis qu’à sa
modernité affichée répondait un retour aux sources de l’islam,
avec le wahhabisme saoudien. La confrontation pétrolière était
aussi rude, l’Iran arrivant à une production du même ordre que
celle de l’Arabie saoudite et désirant conquérir de plus en plus
du marché mondial. Les USA, traditionnellement liés à l’Arabie
saoudite au sein de l’Aramco, poursuivaient en parallèle un flirt
poussé avec l’Iran «moderne » duchahqui irritait lemonde arabe.
Le choc pétrolier de 1973 avait fragilisé les économies occiden-
tales, et chacun comptait ses amis d’aujourd’hui et de demain
dans le monde complexe du Moyen-Orient, qui avait montré sa
capacité à ébranler lemonde. C’est dans ce contexte que la révo-
lution islamique arrive, avec un imamKhomeyni insultant l’Occi-
dent et menaçant Israël, tandis qu’il appelle la diaspora chiite à
se rebeller et à attaquer pêle-mêle les « Satans « nonmusulmans
et leurs valets sunnites. Dans tous les pays arabes, il existe une
minorité chiite, et cet appel à la rébellion est pris très au sérieux.
Le retour enarrièred’unÉtat considéré, à tort, commemodernisé,
et l’irruption de «
fatwas
» dans la presse, conduisant à quelques
crimes enEurope, vont conduire à une diabolisation accélérée du
pays et de ses dirigeants. La production pétrolière chute en Iran,
les autres pays arabes se frottent lesmains. L’Irak, dirigé par des
sunnites laïques, mais à majorité chiite, va craindre la contagion
sur son sol de la révolution islamique et envisager l’attaque de
l’Iran avec le prétexte de sauver les Arabes de l’ouest du pays,
l’Arabistan pour eux, le Khuzestan pour les Iraniens. Le monde
arabe, inquiet de la présence d’une majorité chiite dans ses
provinces pétrolières, va encourager l’Irak dans une guerre de
neuf ans entre les deux pays, conflit qui débouchera, après un
million de morts, sur un « statu quo ». Dans tous les conflits qui
ont suivi jusqu’à aujourd’hui, on retrouve lesmêmes ingrédients :
les religions, le pétrole, l’Iran souhaitant redevenir une puissance
régionale et l’Arabie saoudite demandant aux Occidentaux
de contenir cette ambition.
Pour devenir une puissance incontournable, les dictatures ont
toujours été attirées par la possession de l’arme nucléaire. Pour
s’asseoir à la table des « Grands », rien de tel que la propriété
d’armes de destruction massive. Menacé dans sa survie même
par l’Occident et tous ses voisins, intériorisant cette situation
d’exclu avec sa religion très particulière qui attend le retour de
l’iman caché pour arriver à la fin de l’histoire de l’humanité avec
un monde parfait, l’Iran va provoquer délibérément l’ensemble
du monde en développant un programme nucléaire dont le
« moderne » chah avait lancé les premiers pas. Aux menaces
réitéréesdesvieuxthéocratesestvenueserajouterl’angoissed’un
nouveau front nucléaire aux mains d’un régime politique consi-
déré comme irrationnel, une suite à folie du
Docteur Folamour
.
Àmesureque l’Irans’agitait etmontrait aumondeentier son irres-
ponsabilité, pensant ainsi venir à une négociation reconnaissant
son rôle éminent, la plus grande partie de la planète réfléchissait,
au contraire, à sa marginalisation et à son cantonnement, à la
À gauche : ruines du Apadana, Persépolis.
À droite : Kandovan est un village troglodytique à proximité de Tabriz, dans le nord-ouest de l’Iran.
Le site est semblable aux villages troglodytes de Cappadoce, en Turquie.