Salaün
Magazine
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culture
sans
frontière
|
prague
avec ses formes tourmentées, expression d’inquiétude, se
trouve face à Ferdinand Maximilien Brokoff (1688-1731),
artiste de la piété en extase et des angelots joufflus. Ils sont
restés tous deux indissociables du baroque pragois, dont une
des expressions prend place sur le mythique pont Charles.
Voulu par Charles IV, le grand souverain de Bohême, ce pont
de pierre vient en remplacement au
xiv
e
siècle, du pont Judith
de bois emporté par une des fréquentes crues dévastatrices
de la Vltava. À partir du
xvii
e
, chacun de ses piliers sera sur-
monté d’une statue ou groupe de statues de pur style baroque
,pour offrir aujourd’hui une allée piétonnière de 30 œuvres,
en majorité de Braun, Brokoff et leurs disciples. La plupart
sont des copies, les originaux, trop précieux, ayant rejoint le
musée national. La plus ancienne, Saint-Jean-Népomucène,
datée de 1683, rayonne par son auréole d’étoiles. “Ce chemi-
nement entre la vieille ville et le petit côté se voulait alors une
affirmation accablante de la suprématie catholique, résume
Katerina. Et donc le pont Charles, avec sa tour gothique côté
vieille ville et sa statue de Charles IV, seul passage sur la Vlta-
va jusqu’en 1741, ouvrait une voie royale vers le château,
siège du pouvoir.” Une voie de 516m de long et 10m de large
aujourd’hui fréquentée par des visiteurs pacifiques et ébahis
du monde entier.
et enfin la rivière
Saint-Nicolas de Mala Strana est un tourbillon d’ornemen-
tations voulu par les Jésuites. Pas un espace sans peinture,
sculpture, gravure, balcon, trompe-l’œil, plus dorés et colorés
les uns que les autres. De longues heures à regarder en tous
sens ne suffiraient pas à saisir tous les détails et messages
de ce baroque flamboyant. Pour beaucoup, il s’agit du plus
joli bâtiment baroque de Bohême et d’Europe centrale. Les
nombreux concerts qui s’y tiennent, comme dans d’innom-
brables édifices de Prague, sont parmi les plus courus pour
l’acoustique bien sûr mais surtout pour ce décor qui ne peut
laisser indifférent. À la sortie, le soleil pragois éblouit à son
tour : c’est décidément une tradition locale ! Katerina ne
nous a pas menti. Le baroque explose partout dans ce quar-
tier. Jusqu’aux façades des ambassades, celle de France, plus
sobre alors que les porches de celles de Roumanie et d’Italie,
presque face à face dans la rue qui monte vers le château, ri-
valisent d’expression. Les aigles géants menaçant de chaque
bord de l’entrée en Italie frappent les esprits comme ils durent
le faire à l’époque du palais construit là.
La longue montée de la rue s’effectue aisément et sans y
prendre garde, trop accaparés que nous sommes à scruter
les façades et jeter un regard dans les échoppes. Insensible-
ment, des vignes et jardins apparaissent derrière des murets.
À gauche : l’église St-Nicolas des Hussites vue depuis
la tour de l’horloge astronomique.
À droite : la tour de l’horloge astronomique.