reportage
d
’
ici
et
d
’
ailleurs
|
berlin
Salaün
Magazine
| Page 85
le plus grand chantier d
’
europe
Nous sommes en 1991. Un vaste terrain vague correspondant
au no man’s land qui bordait le mur sert de refuge à quelques
vieux hippies. Ils ont un char rouillé et un vieux MIG comme
animaux de compagnie. C’est tout ce qui reste de la Post-
damer Platz, l’épicentre de Berlin dans l’entre deux-guerres.
Juillet 2017, le soleil se réfléchit sur l’impressionnant com-
plexe de gratte-ciels qui a recouvert le terrain vague. On y
habite, on y travaille, on y fait du shopping et on s’y cultive,
notamment en visitant le nouveau musée du Cinéma alle-
mand installé dans l’impressionnant Sony Centre, coiffé d’un
étonnant chapiteau. C’est désormais sur cette place qu’a lieu
la Berlinale, le grand festival international du film. Il a fal-
lu vingt ans et ce qui fut le plus grand chantier au monde
pour que la Postdamer Platz redevienne un des centres éco-
nomiques et culturels de la ville. Elle est désormais reliée au
forumde la culture, un regroupement de musées, de la biblio-
thèque nationale et de la célèbre et élégante Philharmonie
berlinoise, rendue célèbre par Herbert von Karajan.
mitte
,
un cœur retrouvé
1945. Unter den Linden, la célèbre avenue du cœur historique
de Berlin, est un champ de ruines. La porte de Brandebourg,
sévèrement endommagée, est isolée au milieu des squelettes
des bâtisses environnantes. Les tilleuls ont été soufflés par
les obus.
Débarrassées des gravats pendant la guerre froide, la porte
et l’avenue resteront longtemps grises et vides, partiellement
cachées derrière le mur de Berlin, qui divise la ville en deux.
D’austères ministères bordent ses larges trottoirs, et l’archi-
tecture soviétique du Parlement est-allemand défigure l’Île
aux musées, vestige du Berlin du
xix
e
. Au bout de l’avenue,
le complexe futuriste de l’Alexanderplatz va servir de vitrine
aux architectes socialistes pendant plusieurs décennies.
2017. Comme dans les années trente, la Pariser Platz, qui fait
face à la porte de Brandebourg, grouille de vie et les passants
déambulent de nouveau sous les tilleuls. La porte est dere-
chef entourée par de prestigieux édifices, parmi lesquels les
ambassades américaine et française ainsi que le célèbre hôtel
Adlon, rasé après la guerre, qui se dresse à nouveau dans l’un
de ses angles. La porte se trouve à deux pas du Reichstag, le
Parlement allemand. Son incendie criminel, en 1933, avait
servi de prétexte à Hitler pour s’arroger les pleins pouvoirs.
On le visite aujourd’hui pour lorgner sur les sessions du Par-
lement depuis son impressionnante coupole de verre, réali-
sée par Norman Foster. On profite aussi de sa terrasse pour
contempler l’immense parc de Tiergarten et le nouveau “ru-
ban fédéral” : le quartier futuriste où se sont installées les
administrations fédérales lorsque la ville est redevenue la ca-
pitale de l’Allemagne, en 2000. À l’horizon, la nouvelle gare
centrale de Berlin, éclairée par d’immenses verrières compte
parmi les plus impressionnantes réalisations architecturales
contemporaines. En direction de l’est, l’avenue Unter den
Linden croise une Friedrichstraße redevenue pimpante avec
ses enseignes de luxe, dont les Galeries Lafayette. Leur cou-
pole de verre annonça d’ailleurs le renouveau architectural
de Berlin dans les années quatre-vingt-dix. Plus loin, l’Île
aux musées voit passer vélos, calèches et bateaux de prome-
nade dans une joyeuse euphorie. Erich Honecker, le dirigeant
de la RDA de 1971 à 1989, n’en croirait pas ses yeux…
On y habite, on y travaille,
on y fait du shopping
et on s’y cultive.
Fermée au temps du mur, la porte de Brandenbourg, où débouche l’avenue
Unter den Linden, est redevenue un des endroits les plus animés de la ville.